
étang des Landes (23)



étang des Landes (23)
La CONTAGION
La notion de contagion est, de nos jours, considérée comme une évidence, confortée par l'utilisation du microscope et la découverte des micro-organismes au 19ème siècle.
Les deux grands précurseurs dans ce domaine[1] sont :
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Onésime Delafond, vétérinaire, professeur à l'école d'Alfort. Il travaille sur les maladies contagieuses des animaux depuis 1840 et a pu inoculer le choléra des poules à diverses espèces animales. En 1860, il découvre au microscope, dans le sang d'animaux atteint de la maladie du "charbon" ou "sang de rate", des "petites baguettes" entre les globules rouges de deux centièmes de millimètres de longueur, immobiles. Ces baguettes peuvent être rares ou très nombreuses. Il constate que les signes de la maladie précèdent de 1 à 5 heures l'apparition de ces corpuscules dans le sang. Il réalise les premières cultures bactériennes. La maladie est d'autant plus grave et rapidement mortelle que ces corpuscules sont plus nombreux.
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Le docteur Joseph Davaine va poursuivre son travail et fonder la microbiologie. Il donne en particulier à l'agent du charbon sa dénomination définitive de "bactéridie". Il démontre que le sang des animaux malades n'est contagieux que lorsque ces bactéridies sont présentes. Dès 1866, il distingue déjà 30 espèces de bactéries.
C'est à partir de ces découvertes que s'est établie la conviction que les maladies se transmettent d’individu à individu, parfois d’une espèce à l’autre, du fait de l’invasion par ces micro-organismes, rencontrés de manière fortuite la plupart du temps. Ce qui crée les épidémies, voire les pandémies. Une culture s’est forgée autour de ces découvertes et le sens commun a développé une vision dualiste ou binaire de cette réalité : "Nous sommes malades parce que nous avons attrapé un microbe ou un virus pathogène".
Mais ces notions-là ne sont pas confirmées de façon systématique.
Nous savons en particulier que toutes les bactéries ne sont pas pathogènes.
La notion de virus (ce terme signifie "poison") semble très incertaine. Nous ne savons pas clairement à quoi correspondent ces entités microscopiques : brins d’ADN ou d'ARN entourés d’une capsule protéique ? Tels que nous les définissons, les virus sont à la limite du vivant et ne sont pas capables de se reproduire à moins de venir parasiter une cellule qui leur est étrangère et de la transformer en "usine à virus". Mais alors, d’où viendrait leur capacité à s’organiser ainsi ? Et ont-ils réellement un pouvoir pathogène ?
Nous n’avons jamais pu en isoler de manière certaine, ni confirmer leur existence, ni certifier leur caractère pathogène selon le postulat de Koch qui définit les 4 critères à vérifier pour pouvoir être certain qu’un virus ou une bactérie est responsable d’une maladie :
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Le micro-organisme doit être présent en abondance dans tous les organismes souffrant de la maladie, mais absent des organismes sains.
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Ce micro-organisme doit pouvoir être isolé et croître en milieu de culture pur (ne contenant que ce seul « microbe »).
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Le micro-organisme cultivé doit déclencher la même maladie chez un animal de laboratoire sensible.
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Le micro-organisme doit être à nouveau isolé du nouvel organisme hôte rendu malade puis identifié comme étant identique à l'agent infectieux original.
Ce POSTULAT de KOCH n’a jamais pu être démontré pour les maladies virales, quelles qu’elles soient.
Nous constatons par ailleurs que certaines maladies, longtemps considérées comme contagieuses, n’ont rien à voir avec un germe pathogène : c’est le cas en particulier du scorbut, mais aussi de toutes les maladies de carences en vitamines ou de celles liées à des malnutritions flagrantes.
Dans ses "Carnets de guerre", le Pr Didier Raoult écrit, le 28/4/2020 : "Les épidémies commencent, s’accélèrent, elles culminent, c’est le moment maximal de transmissibilité, et elles diminuent et elles disparaissent, on ne sait pas pourquoi. (…) La grippe n’est pas transmissible ici en été, je ne sais pas pourquoi, personne ne le sait."
Il [2] insiste donc sur le fait que l’immunologie est une science encore bien incomplète et que les épidémies évoluent et disparaissent sans que l’on comprenne pourquoi et comment. Nous devons donc convenir que nos connaissances dans ce domaine sont encore parcellaires.
En remontant au 19ème siècle nous pouvons mieux appréhender comment l’histoire a orienté notre médecine actuelle. Deux grands chercheurs se sont affrontés à cette époque : M. Louis Pasteur et le Pr Antoine Béchamp. Cette dispute a eu son point culminant devant l’Académie de Médecine le 4 mai 1886. De manière très schématique, nous pouvons dire que :
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Louis Pasteur défendait la thèse d’un organisme vivant aseptique, les bactéries étant des agresseurs étrangers à l’origine des maladies.
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Antoine Béchamp, au contraire, défendait la réalité des microzymas omniprésents dans tout l’organisme, capables de bâtir des bactéries endogènes lors des maladies.
La question finale était de savoir si les bactéries sont la cause des maladies, ou bien simplement un symptôme parmi d’autres. Dans le premier cas, elles sont un adversaire à combattre, dans le second, un effet de la maladie…
À la fin de ce débat qui clôturait une dizaine de séances de discussions sur les ptomaïnes et les leucomaïnes (des poisons engendrés par la décomposition des tissus), le président de cette séance, le Dr Ulysse Trélat [3], proposa à l’Académie "de nommer une Commission qui se mettra en rapport avec Mrs Pasteur et Béchamp et qui avisera à instituer avec eux la réglementation d’expériences dont elle nous communiquera le résultat".
L’assentiment fut unanime, une commission fut nommée – composée en majorité d’amis de Pasteur – mais elle ne se réunit jamais. Et la médecine s’engagea dans le sillage des idées de M. Pasteur[4].
Il est à noter que, de nos jours, en 2024, la Directrice générale de l’Institut Pasteur, Mme Yasmine Belkaid, remet en cause cette « vision binaire ». Elle précise lors d’une interview sur France-Info [5] : "Nous sommes un conglomérat de microbes, nous en hébergeons plus que de cellules. La grande majorité d’entre eux sont des passagers et parfois ils nous aident."
Il ne faut pas oublier par ailleurs que certaines épidémies de grippe se répandent sur des contrées énormes en juste quelques jours, fait difficilement explicable par la contagion de proche en proche.
De même, de nombreuses expériences liées à la contagion de proche en proche par contact, par projections de mucus ou autres procédés (concernant des bactéries ou des « virus ») se révélèrent infructueuses.
Déjà, dans ses carnets de laboratoire, Pasteur lui-même reconnait qu’il était incapable de transférer la maladie avec une culture pure de bactéries. En fait, la seule façon dont il pouvait transférer la maladie était soit d’insérer tout le tissu infecté dans un autre animal (il injectait parfois des cerveaux broyés d’un animal dans le cerveau d’un autre animal pour "prouver" la contagion), soit de recourir à l’ajout de poisons à sa culture, dont il savait qu’elle causerait des symptômes chez le receveur[6].
La grippe espagnole au moment de la première guerre mondiale a touché un tiers de la population mondiale et tué environ cinquante millions de personnes – plus que la peste noire du 14ème siècle. Elle s’accompagnait de saignements un peu partout et la mort était souvent provoquée par une hémorragie pulmonaire – ce qui relèverait peut-être plutôt d'un problème de scorbut ?
Une équipe de médecins aux États-Unis a essayé d’infecter 100 volontaires en bonne santé dans un établissement naval de l’île de Gallops, dans le port de Boston.
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Ils ont extrait du mucus de cadavres et l’ont transféré dans la gorge, le nez et les voies respiratoires des volontaires. Ils ont utilisé des milliards de microorganismes selon leurs estimations. Aucun d’eux n’est tombé malade.
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Ils ont prélevé du sang de malades et l’ont injecté à 10 volontaires – là encore sans résultat.
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Ils ont demandé aux malades de respirer et tousser sur des volontaires qui s’approchaient le plus possible de la bouche des malades – quasiment du bouche à bouche – à cinq reprises. Aucun des volontaires là encore n’a été malade[7].
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Ils ont refait les expériences sur des chevaux sans plus de résultat.
Ce que nous croyons savoir est donc discutable, intéressant mais inachevé, parfois fiable, parfois faux. Nous devons chercher encore, en particulier pour les maladies dites "virales".
Il est clair que les maladies peuvent avoir bien d'autres causes que l'agression d'un micro-organisme et que la notion de contagion doit tenir compte du "terrain" des personnes "contaminées" et peut-être de bien d'autres facteurs.
Ne devrions-nous pas nous interroger, par exemple, sur le bâillement ? Ce phénomène semble hautement contagieux, mais ne relève manifestement pas d’une maladie. Il serait plutôt la résultante d’une forme de lâcher-prise. Cette notion de lâcher-prise est importante. Ne sommes-nous pas plus souvent malades lorsque nous faisons une pause – hebdomadaire ou annuelle – dans nos activités quotidiennes souvent stressantes ?
Alain Scohy – septembre 2024
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[1] Dr Philippe Decourt : "Les vérités indésirables", Archives Internationales Claude Bernard
[2] Pr Didier RAOULT - CARNETS DE GUERRE, éditions Michel Lafon, 2021
[3] Le Dr Ulysse Trélat (1828-1890) est un chirurgien célèbre.
[4] Cf. Bulletins de l’Académie de Médecine,15 : 270, 303, 345, 390, 425, 447 et surtout 474 et 532, 651 et 666.
[5] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/15-de-plus/15-de-plus-du-vendredi-19-avril-2024-4832880
[6] Gérald L. Gelson, « The private Science of Louis Pasteur », Princeton Univesity Press, 2014
[7] Dr MJ Rosenau : « experiments to determine mode of spread of influenza » - Journal of American Association 73, n°5, 2 août 1919, 311-313.​​​​​​​​​​​
